Il y a quelques semaines, nous évoquions ici même, le recueil de nouvelles « La végandelle » publié par l’écrivain belge, Laurent Bayer. Quel auteur est-il ? Nous lui avons posé la question. Il a volontiers répondu à notre interview avec beaucoup de sincérité et de générosité. Régalez-vous !
En lisant vos nouvelles, on sent que vous aimez la langue française : d’où vous vient ce goût pour l’écriture ?
Indéniablement… de mes lectures. Enfant, j’ai appris à lire très vite – je me débrouillais déjà en première primaire (l’équivalent belge de votre CP), à la Noël. Ma tante avait acheté une collection des romans de la comtesse de Ségur, qu’elle me prêtait l’un après l’autre. On peut dire que je me suis imbibé très tôt du français du XIXe siècle… Mes parents devaient m’arracher mon bouquin des mains pour que je sorte m’aérer ou que je passe à table, c’est dire. Puis, à l’école secondaire, nous avons dû lire les classiques, dont certains étaient réputés ennuyeux. J’avais réussi à éviter Le Rouge et le Noir : je ne l’ai découvert qu’à l’âge de 40 ans. Un éblouissement – et un regret de m’en être remis à l’avis de mes camarades !
« Nous voyons des gens qui écrivent et dont nous sentons qu'ils ne lisent pas. »
La lecture nourrit l’écriture. Je suis convaincu qu’il faut s’être frotté à des styles différents avant de prendre soi-même la plume. Confronté à une avalanche de manuscrits rédigés pendant le confinement, un éditeur français a fait d’ailleurs ce constat tranchant : « Nous voyons des gens qui écrivent et dont nous sentons qu’ils ne lisent pas. »
C’est vers l’âge de neuf ans que j’ai déclaré à mon entourage que je voulais être écrivain ! Une vocation précoce que je dois pour partie à un cousin par alliance, Jean-Claude Deret (né Claude Breitmann), auteur de la série Thierry la Fronde. Pendant longtemps, je me suis senti capable d’écrire, mais je ne savais pas ce que je voulais raconter – ou plutôt, ce qu’il valait la peine d’être écrit.
Écrire une nouvelle n’est pas facile : qu’est-ce qui vous séduit dans cette forme de récit ?
C’est un grand malentendu, un mauvais calcul de ma part ! En effet, je pensais que, puisque la nouvelle est plus courte qu’un roman, il me serait plus facile d’en écrire, alors que comme vous le dites, le contraire est plutôt vrai. Si l’on ambitionne de se faire publier, il est nécessaire de constituer un recueil. Or, d’un récit à l’autre, on change radicalement d’univers. Le nouvelliste doit mettre en place le contexte, peindre les personnages, trouver un incipit captivant – pour ne rien dire du titre… Pour sa part, le romancier est, pourrait-on dire, sur des rails une fois cette étape passée.
Je laisse mon esprit vagabonder
Je crois que je me suis servi du genre de la nouvelle comme d’un tremplin. Je constate dans mon écriture une tendance à l’allongement du récit : il m’apparaît clairement que le roman sera mon prochain défi.
Comment trouvez-vous votre inspiration ? Comment choisissez-vous vos personnages ? Le déroulé de l’histoire ? Sa chute ?
Je suis par nature introverti. Je ne m’ennuie presque jamais : si je dois attendre un train, par exemple, je laisse mon esprit vagabonder. Je regarde les personnes autour de moi, je relève des détails sur lesquels je prends appui pour leur faire vivre des aventures. Certains personnages ont ainsi trotté longtemps dans ma tête avant d’en sortir.
La chute surgit subitement, en fonction des circonstances
Il y a une dizaine d’années, j’avais écrit des sketches, pensant que c’était le format le plus accessible. J’ai allègrement puisé dans ce stock de situations pour mon premier recueil de nouvelles. Cela pourrait paraître curieux, car ces sketches étaient destinés à être interprétés par un seul comédien. Ils se présentaient donc comme des monologues, tandis que – comme on me l’a fait remarquer – j’ai très peu recours au dialogue dans mes nouvelles.
En général, je ne connais pas la chute au moment où j’entame une nouvelle histoire. Elle surgit subitement, en fonction des circonstances.
Si je ne me trompe pas, c’est votre première œuvre littéraire : avez-vous d’autres projets d’écriture ?
Je me suis déjà attelé à mon deuxième recueil, mais le temps me manque en ce moment. J’ai hâte de l’avoir terminé pour passer à autre chose, c’est-à-dire au roman. Beaucoup de lecteurs ont en effet une certaine aversion pour le genre de la nouvelle, en raison de sa brièveté. C’est culturel, malgré Maupassant : dans le monde anglophone, la short story est un format prisé.
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